Secret touch
J'aime à me
glisser entre ses draps lorsqu'il dort. Une caresse de soie épouse
mes formes, me révèle.
Il me sent, me ressent. Des
lèvres de papillon longent son cou long et fin, des dents se
posent délicatement à la jonction de son épaule
et de sa nuque. Tout doucement, l'émail frôle à
peine, suffisamment pour qu'il en frissonne légèrement.
Ses
yeux palpitent sous les paupières, il rêve.
Ma main
s'empare avec délicatesse de la sienne, la porte à mon
sein. La main prend vie dans son sommeil. Elle s'éveille et
caresse avec une infinie tendresse cette peau, cette courbe, ce
mamelon oubliés. Il rêve.
Je sens ma peau qui réagit,
chaque poil se dressant sur le derme. Envie.
Je m'allonge près
de lui. Ma langue se trace un chemin dans son masque de loup, cherche
ses pointes qui se dressent irrémédiablement sous mes
lèvres joueuses. Les baisers dévorent silencieusement
les côtes, il tressaille. Je me délecte de ses hanches,
il soupire.
Je repousse le drap que tend son sexe gonflé.
Il rêve. De moi. Ne surtout pas le réveiller. Rester un
songe.
La gourmandise engendrée par ce sucre d'orge
goûteux et délicieux est insoutenable.
Mes lèvres
humides se posent sur un bout de chair d'une incroyable douceur en un
timide baiser. Puis la langue prend le relais, tantôt du bout,
tantôt de toute sa surface avant de l'avaler. Les lèvres
glissent, les lèvres avalent, la langue joue, lèche et
tête. Il gémit dans son sommeil, le corps pris de légers
spasmes comme du temps où il aimait me regarder me délecter
de le sucer ainsi. Il prenait un tel plaisir à me voir, regard
mutin qui lui promettait tant de délices.
Je n'ose
aller plus loin. Je n'ose le chevaucher et retrouver ce plaisir
oublié de le sentir en moi. Je n'ose me laisser aller au
plaisir qu'il savait si bien déchaîner. Il rêve.
De moi. Ne surtout pas le réveiller. Rester un songe.
Je
finis mon oeuvre jusqu'à cet ultime râle où il
m'imprègne de lui. Puis je m'éloigne et m'assoie dans
cette chauffeuse près du lit. Celle où j'aimais
lire.
Parfois il se réveille, se souvenant du plaisir, se
souvenant de moi. C'est pour cela que je ne reste pas étendue
près de lui à écouter son coeur battre et son
souffle retrouver le rythme du sommeil paisible.
Il ne doit
pas me voir ... Enfin me voir, je me comprends, qui pourrait me voir
désormais.
Je suis un courant d'air. Je suis son songe. Je
suis la femme invisible.
Illustration : Bandaged invisible woman, par misterdoe, sur DeviantArt