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Zone d'expérimentation
22 septembre 2009

Île et Aile, par Gwen

opposite_directions_by_MagdaMontemor





Il est arrivé un bon matin en avion aux frêles ailes d'acier.
Elle est née dans l'Île, à quelques kilomètres de l'aéroport.
Il avait pour tout bagage un gros sac à dos et beaucoup d'ambitions.
Elle n'avait jamais quitté son clan mais elle avait le rêve réaliste de parcourir la Terre.
Il fuyait la métropole et le chômage. On lui avait dit qu'en Nouvelle Calédonie l'argent coulait à flot et qu'il n'y avait qu'à se baisser pour s'engraisser.
L'histoire du pays lui avait donné la double identité. Chez elle, kanak et européenne dès qu'elle marchait hors de sa tribu et de ses cocotiers.
Si ce n'est la douceur étouffante du climat, il se serait cru pour un peu à la Roche sur Yon ou à Neauphle-le-Vieux.
Elle menait une vie d'une simple complexité faite d'études et de travaux coutumiers.
Il ne connaissait rien et ses nouveaux amis étaient métropolitains.
Elle croyait au progrès et aux anciens, à l'ancien progrès et aux progrès des anciens.
Il a trouvé du travail, un petit boulot de rien. Puis un autre et encore un qui lui faisait manger son pain.
Elle regardait son parcours avec l'envie de participer au développement du pays.
Il croisait de loin ces autochtones aux mœurs familièrement étranges et inconnus
Elle se méfiait des motivations des métros qui repartaient toujours aussi vite qu'ils étaient venus.
Il avait finit par trouver un studio mal insonorisé et hors de prix.
Elle vivait toujours avec sa famille, dans une case bordée de frangipanier.
Elle rêvait d'un avenir radieux pour ses neveux et ses cousins.
Il rêvait de vendredis soirs et des sorties en boite de nuits.
Elle faisait des petits boulots pour gagner de l'argent de poche.
Il gagnait presque sa vie en trimant plus qu'il en avait envie.
Elle souhaitait éduquer la jeunesse sans quitter ses racines.
Il a du quitté la capitale pour exécuter un contrat en brousse.
Elle a trouvé une formation à deux pas de chez elle.
Il a croisé son regard,
Elle a vu qu'il la regardait.
Ses yeux se sont brouillés,
Sa tête s'est embrumée.
Elle zozotait.
Il bégayait.
Elle tremblait.
Il avait les jambes en coton.
Ils ont mis du temps pour se parler mais quand ils ont commencé rien n'a pu les arrêter.
Elle a parlé de son pays,
Il a écouté son cœur,
Il a parlé des ses passions,
Elle n'écoutait plus sa raison.
Il l'appelait Île.
Elle l'appelait Aile.
Quand elle a accouché de ce bébé, moitié moitié,
La peau ambrée, les cheveux bouclés, les yeux clairs,
Ils ne faisaient plus qu'un.
Ils l'ont appelé Îlaile !

 


Illustration : Opposite directions, par MagdaMontemor, sur DeviantArt

 

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Commentaires
L
C'est ludique, chantant et très joyeux. Un constat de ce qui est, de tout ce qui oppose et des différences qui savent réunir pour peu qu'elles soient entendues. <br /> L'improbable prénom du bébé ne vaut que par la fusion des deux autres, délicieusement troublants dans leur confusion masculin-féminin.
J
ça m'a fait pleurer
R
c'est beau comme du slam...
G
Quand le sujet est tombé, j'ai tout de suite trouvé une idée. Je souhaitai poursuivre ma série sur la Nouvelle Calédonie et comme ici les opposés se sont finalement rapprochés sur une poignée de main, j'avais mon histoire toute trouvée : Je parlerai de la guerre civile et de la réconciliation entre les deux camps conduits par Messieurs Lafleur et Tjibaou.<br /> Autant l'idée était là, autant mes essais étaient lourds et inconséquents.<br /> Et puis d'autres m'a lu son texte "génération de l'anomie"...<br /> Et si comme moi, vous l'avez lu, vous savez que c'est un très beau texte, qu'il parle du pays et de ces improbables contradictions.<br /> Je savais que le mien ferai pâle figure à côté et j'ai abandonné mon idée, ou plutôt je m'en suis libéré car comme je n'avançais pas, le texte m'obsédait.<br /> La lecture de d'autres à été salutaire...<br /> Car j'ai trouvé tout de suite un autre sujet. Je n'avais pas encore vraiment écrit sur l'amour.<br /> Et pourtant je peux croire que l'amour peut rapprocher des opposés.<br /> Et ce sujet pouvait encore me faire parler du Pays.<br /> Un métro, une kanak que tout peut séparer mais par un hasard de le vie se rapproche.<br /> J'ai trouvé ensuite les oxymores, d'autres les as sûrement tous cité dans son commentaire...<br /> Je ne voulais pas leur donner de noms car je savais déjà que je voulais raconter un peu de moi.<br /> Je les ai appelé Il et Elle et j'ai trouvé le titre.<br /> J'aimais bien l'idée que Elle s'appelle Île et Il, Aile. <br /> Aîle est un peut tirer par les cheveux, le prénom de l'enfant aussi mais il est un peu réaliste car dans ce couple de contraire leur enfant métisse devra avoir les deux côtés de leurs identités.<br /> Merci d'autres, de l'avoir trouvé musical, c'était un peu un des effets recherchés.<br /> Pour finir je dirai que ma phrase préférée est : "Elle croyait au progrès et aux anciens, à l'ancien progrès et aux progrès des anciens."
D
Ca m'agace. Est-ce moi qui ne comprend décidément rien à rien, ou sont-ce les contributeurs qui prennent un malin plaisir à user de références incompréhensibles ? Ca veut dire quelque chose Îlaile ? Genre en langue ? Parce que bon, la construction est jolie (même s'il m'arrive de fourcher des yeux pour lire Italie), elle fait sens, mais reste un peu scabreuse en français ... Même les gens qui appellent leur fils Anakin on comprend la référence, qu'on approuve ou non.<br /> <br /> Ha oui, c'est vrai, il était question d'oxymore ! J'allais bloquer sur les frêles ailes d'acier, me demandant l'intérêt de l'adjectif, un peu décalé, mais bon, s'il est question de technique ...<br /> Rêve réaliste, me doutè-je, de m'être mis la puce à l'oreille, entre dans cette démarche, pourtant je ne suis pas convaincu par l'oxymore, rien n'empêche un rêve d'être réaliste. Ceci dit, la tournure est aussi jolie que parlante. Même goût pour simple complexité, les oxymores, avérées ou tentées, c'est rien chouette quand même ... moeurs familièrement étranges et inconnues ...<br /> Je me rends compte, alors que je traque tes oxymores à la faveur d'une relecture, que ce sont ces formules qui m'ont interpellé à première lecture, pour la qualité de leur sens et l'originalité de leur formulation, alors que j'étais loin de penser aux effets de style.<br /> <br /> La seconde chose qui m'a fait goûter ce texte avec plaisir, c'est la musicalité qui s'en dégage, une musicalité de slammeur, aurais-je envie de dire (il n'y avait qu'à se baisser pour s'engraisser ; connaissait rien ... métropolitains), des suites d'assonances discrètes, évoquant de loin une rime. Mention particulière à "Elle a parlé de son pays,/Il a écouté son cœur,/Il a parlé des ses passions,/Elle n'écoutait plus sa raison" l'enchaînement idées/sonorités est proprement délicieux.<br /> <br /> La troisième et dernière chose fait la synthèse, en un sens, des deux précédentes. Île, Aile, Il, Elle. Je suis séduit par l'antagonisme entre sonorité et genre dans Île féminin et Aile masculin, une opposition riche et troublante, je trouve. Et l'alternance Il/Elle tout au long du texte, donne un certain rythme, accroissant encore la musicalité par un effet évoquant la mélopée.<br /> <br /> Qu'ajouter alors ? Que la réponse au thème souscrit à toutes les exigences, que 3skel a raison en prétendant que les thèmes les plus ardus accouchent de choses délicates et raffinées.<br /> <br /> Tiens si. Pas parlé du fond de l'histoire. Beaucoup de sourires, forcément, pour une jolie romance qui évite de peu l'écueil de la fleur bleue. Mais ça change des infanticides et des pédophiles sodomites, en même temps (oui, les étiquettes c'est toujours galère à détacher, t'as beau noyer ça de produit vaisselle et frotter comme un furieux,<br /> <br /> Ha, si, encore. OK, Île, Aile, sens, musicalité, tout ça. Mais pourquoi Aile ? Parce que c'est un métro, arrivé en avion aux ailes tellement frêles qu'il en aurait perdu une en route ? Autant Île me sonne juste, autant Aile a un petit arrière-goût légèrement artificiel ...
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