[HS] Be kind, rewind, par Djimi
<p>« Be kind, Rewind »</p>
Je me souviens de la toute première
caméra que j’ai eue entre les mains. C’était en
1984.
« Entre les mains » est une
bien belle expression pour l’appareillage titanesque dont était
constituée la dite caméra. Au final, c’était
une caméra VHS assez encombrante, dont un cordon la rattachait
à un lourd magnétoscope qui pendouillait en bandoulière
le long de notre buste. Et c’est dans ce magnétoscope que
l’on glissait la grosse K7 VHS que même nos plus jeunes ont
au moins connu ou aperçu.
Une caméra, donc qu’un ami de la famille
avait prêté à ma mère, le temps d’une
journée passée sur le bord du lac de Yaté. Je me
souviens –et purée, ça date un peu tout de même-
du rendu des images filmées : des images ultra
contrastées (avec la terre rouge du Sud en prime !),
sorte de compromis entre les couleurs criardes d’un film italien de
la fin des années 60, et d’un court-métrage en
couleur de notre Manuella Ginestre à nous…Du pur film donc
–avec ses sautes d’image en prime- dont je n’ai jamais retrouvé
ultérieurement un tel rendu… Nostalgie.
A la fin 1985 ou début 1986 (mémoire,
mémoire, dit moi qui est le moins amnésique…), ma
mère revenant d’un séjour à Tokyo nous ramène
dans notre univers familial nouméen à la dérive,
une caméra (VHS encore) sans bandoulière, sans
magnétoscope mais avec K7 incorporée : le délire !
(pour 1986, on s’entend, hein !).
Puis consommation de films à la douille
aidant, entouré d’une bande de pote boutonneux, on s’est
gratté la tête, histoire d’avoir un scénario,
un truc à dire quoi ! Au final, nous n’avions rien à
dire, mais un vrai besoin de dégurgiter des centaines de films
d’horreur (B, Z et plus…) et surtout de nous mettre en scène
de manière débile, mais toujours avec cet air sérieux
(ou coincé du cul) lié à l’adolescence. Et
c’est parti ! Vampires, loups-garous, momies, zombies, tueurs
psychopathes (on disait psycho-killers à l’époque),
démons, adolescents à la personnalité dédoublée…
Et toujours cette sorte de fascination du bien et du mal qui
hantaient nos nuits, les yeux rivés, absorbés par nos
écrans démoniaques peuplés de monstres de tout
genre.
De plus, le milieu des années 80, étaient
le zénith du succès de groupes metalleux comme Iron
Maiden, Judas Priest, Black Sabbath (période de Ronny James
Dio) mais surtout les débuts des trasheux Metallica, Megadeth,
Stormtroopers of Death, Kreator et j’en passe. Une philosophie
musicale qui nous éloignait de Sissi Impératrice et de
Walt Disney… D’ailleurs, si mes souvenirs sont exacts, il y avait
toujours plus de philosophie du mal que du bien, dans nos idées
loufoques.
Nous jouions tous les tueurs, nous jouions tous
les victimes. L’essentiel n’était pas vraiment de tourner
un film travaillé, mais de faire les cons, de changer de
personnalité, l’espace d’une heure ou plus, devant une
caméra. Nous ne mâtions pas nos fringues dernier cri
devant un miroir, nous ne jouions pas avec des guitares invisibles
écrasés par les ondes hurlantes de nos poste, nous
étions nos acteurs ou nos monstres favoris devant ce bout de
plastique un peu métallique, qui enregistrait tout…
Personnellement, je ne me rappelle pas avoir été
(ni joué) un acteur connu durant ces laps de temps. Par
contre, ô combien, j’ai aimé imiter Jason Voorhees
(des « Vendredi 13), Michael Myers (des « Halloween »),
Freddy Kruegger, Laether Face (des « Massacre à la
tronçonneuse ») ou encore le Norman Bates (des
« Psychose »). Vivre des moments de sauvagerie
pure, un sabre, une hache ou un couteau à la main, sans ne
jamais les avoir vécus, dans cette réalité qui
est la nôtre, en fin de compte…
Et les effets spéciaux (on disait
SFX) dans tout ça ? Jamais de vrais trucages ou
maquillages : ni moyens financiers, ni réelle imagination à
vrai dire… Je crois que les extrémités de nos
créations, se résume par le jour où je jouais un
zombie qui sortait de terre, et pour cela, je m’étais noirci
de boue et recouvert de vers de terre, rampants qui me
chatouillaient, ou encore, pour jouer un loup-garou, je m’étais
affublé du tapis poussiéreux en peau de je ne sais
quoi, qui traînait dans le salon. Je crois que la pire et la
moins crédible de mes interprétations, était
celle où je jouais la victime des « dents de la
mer », couché au fond de la baignoire de mes
parents et tenant à bout de bras, dans l’eau, un requin en
bois de 15 centimètres qui était censé me
dévorer. Tinnnnn tin…Des fois même, nous tirions à
nous, à l’aide d’un fil de nylon de pêche, trop peu
transparent, des araignées en plastique qui étaient là
pour nous piquer, afin de nous déguster. Je me souviens aussi
de Sandra, la fille de plombier, la seule nana à se prêter
à nos espiègleries. Je souviens surtout d’un rôle
qu’on lui fit tenir dans un court métrage où un pote
jouant Satan en personne, la tirait sur des kilomètres par les
cheveux, et la faisait disparaître et réapparaitre à
sa guise. Un psychanalyste du couple aurait des choses
sensationnelles à nous raconter sur notre rapport à la
femme, avec de tels sujets…Puis enfin je repense à ma
grand-mère qui se prêtait à nos jeux, après
que nous ayons lourdement insistés et qui finissait par jouer
une victime d’une araignée mortelle en plastique, dodelinant
de la tête pour se donner un air innocent avant de se faire
attaquer, mais tout en ronchonnant « J’ai autre choses à
faire que de faire l’andouille avec vous ! Et puis si les
voisins me voyaient…». Tout un programme, donc…
Un programme pas très attrayant quand je
revoie ces films aujourd’hui dont voici quelques noms de
stars abrégés (pour leur rendre un petit hommage
s’ils lisent ce texte) : Laurent S., Yann D., Steeve K., Lionel D.,
Gregory B.C., Sandra G., Pascal A., Cédric & Jimmy J…
Ainsi que quelques titres abracadabrantesques :
« Double esprit », « Double
personnalité » (beaucoup de dédoublements
au final), « Les aventures d’un tueur con »,
« Darkness », « Homo’s
Kill » (qui est désormais, le plus tristement
célèbre de ces films, et le plus nul aussi…), et
« Spider »…Sans compter les suites que
nous faisions à ces films. Une vraie industrie miniature du
cinéma !
Découvrir le film « Be kind,
Rewind » de Michel Gondry, m’a beaucoup amusé,
car j’en ai revécu cette époque de frénésie
filmique avec ses résultats plutôt catastrophiques, mais
qui nous plaisaient tant.
Normal, c’étaient nos films…