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Zone d'expérimentation
1 décembre 2009

Expiation d'un poisson, par Djimi

EXPIATION_oeil_rouge

Cela ne sert pas à grand chose de se demander pourquoi. C’est souvent plus long à comprendre et plus complexe, surtout pour soi-même. Chacun a son histoire, chacun a ses raisons. Que l’on commence par le cannabis, c’est certain. Comme on a commencé à acheter tout ce qui est achetable, ou à consommer ce qui l’est, ou à braver l’inaccessible…

Lorsqu’on a pris goût à l’alcool, cela arrive qu’on cherche à découvrir d’autres substances enivrantes. Il suffit d’un minimum d’ouverture d’esprit et d’un maximum de manque de lucidité. Mais l’un entraînant souvent l’autre…

C’est ainsi qu’en observant les compagnons de quartier cuisiner leur petite dose quotidienne à plusieurs reprises. C’est ainsi qu’en écoutant pleurer d’autres compagnons, cherchant une voie de sortie. C’est ainsi, enfin, qu’en cajolant ta chérie du moment qui n’en finit jamais de mourir. C’est ainsi, à vrai dire, que dans un élan suicidaire aux faux relents d’héroïsme que tu plantes ta première veine…

Après c’est un enchaînement. Plus question de chronologie, ici. Tu as mis un pied dedans, si tu ne sais pas faire le grand écart, tu y restes. Longtemps ou nulle part. Tu commences d’abord par oublier : qui tu es, ce que tu as été et il n’est plus question de demain…
Si tu devais faire un rapide parallèle, ce serait celui du retour à l’enfance : innocence, insouciance, des tristesses soudaines et des passions pour peu de choses. Et cette impression morbide qui te mange toujours un peu plus…

Tu regardes tes bras et tu les caches. Pas à cause des autres, ça tu t’en fous, au fond. Mais pour toi. Car toujours cette peur, cette peur de t’infecter, de pourrir. Tu maigris. « Ah, oui ? ». Ce sont les autres qui te le font remarquer. « Tu es bien pâle ! ». Mais tu t’en fous. Seules les choses essentielles pour toi comptent. C’est encore autre chose que ta petite dose du jour. Non, c’est juste d’être là. Etre là et regarder. Regarder  quoi ? Qui sait, en fin de compte…Car ce n’est jamais ni les autres, ni toi. Peut-être l’infini ou alors cette chose si insignifiante pour beaucoup : l’oubli…

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Puis le rouge t’a appelé. De l’autre côté de cette rue. Tu as pris conscience de ce scintillement, là bas.
Tu as articulé ces lourdes jambes engourdies qui sommeillaient avec toi et tu t’es levé. Tu as marché. Tout droit. Derrière tes mains tendues, qui ont fini par rencontrer quelque chose qui te refusait l’accès à ce rouge. Tu as touché, tapé, roulé ton corps sur cette chose invisible et tu t’es élancé. Puis c’est un fracas de verre. Des douleurs aussi, sur tes mains, sur ton visages et tes épaules. Une odeur de sang, enfin…

Puis tu es couché sur le ventre. Des formes granuleuses te déchirent les coudes. Et là, devant toi, ce rouge tournicote et danse. Tes yeux se mettent aussi à danser. Et ta tête aussi. Tes lèvres esquissent un…Non, mais tu sens en avoir envie. C’est bon de voir ce rouge danser pour toi.
Puis tu rampes vers le rouge. Il grossit. Il est beau. Ses formes se déclarent. C’est un rouge mais le même partout. Il y a du rouge sombre et du rouge clair. Et enfin des scintillements qui le parcourent, ceux qui t’ont interpellé.
Tu rampes encore. Ce rouge, tu l’as déjà vu. C’est un peu comme s’il avait déjà dansé pour toi. Autrefois. Avant maintenant ? Oui, avant, tu étais là, à regarder ce rouge. Mais tu ne reconnais pas ce lieu où tu te trouves allongé : son odeur, la chaleur du sol, le courant d’air qui te caresse le visage venant de ta droite. Mais ce rouge… Il te rappelle quelqu’un. Ce quelqu’un tu le connais, mais il te semble si lointain, un peu comme une amitié abandonnée. Un souvenir… C’est celui de l’enfance.

D’un enfant qui rit. Tu l’as aussi vu faire des bêtises, braver des interdits, puis prendre des fessées. Mais toujours en rire. De ce rire qui lui a toujours permis d’avancer, innocent, insouciant, mais tellement positif, au fond. Tu as vu cet enfant regarder avec ses grands yeux quémandeurs le monde caché, pour toujours en trouver la partie lumineuse. C’est peut-être un peu de ce sourire, de cette curiosité que tu as perdu, que tu as oublié. C’est aussi, peut-être un peu de ces choses-ci que ce poisson rouge, devant toi, dans son bocal, semble vouloir t’exprimer qu’il ne connaîtra jamais. Mais dansant là, face à toi. Et qui semble t’inviter à le suivre. Vers ces scintillements, minuscules éclaboussures d’un soleil qui te chauffe maintenant, au-dessus de ta tête.

Au-dessus, c’est le midi qui brûle ton crâne. Ton ventre t’appelle. Et tu rentres chez toi. Enfin. Tu vas manger.

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Commentaires
D
Merci. C'est gentil, Laurent.
L
contes de la folie ordinaire ou perte momentanée du contrôle de l'image et du son?.... on se sent attiré par ce rouge, envie de l'atteindre, sans se poser de question... Bien écrit à mon goût...
M
Assez intense !<br /> Moi, le rouge m'a fait penser à un rubis, dont l'éclat hypnotise le personnage.
D
Je ne suis plus kavaté mais je ne vois rien d'autre(s) à ajouter.<br /> En ce qui concerne "les incroyables aventures de Noyeux Joël", je ne suis pas encore très inspiré.<br /> Bon weekend mister d'autres et aux autres aussi.
D
Pour la note d'intention, si tu veux, mais plus tard, après l'effet kava, quoique je ne saurais pas quoi ajouter. Mais j'y reviendrai.<br /> Pour Rusty James, c'est bien entendu ma référence ciné : le poisson rouge sur fond noir et blanc et fond...de came (pour Motocycle Boy) et de violence adolescente pour son jeune frère Rusty James (celui qui aurait voulu être comme son grand-frère...).Je trouve que le poisson rouge a un peu la même symbolique dans (ma vision du) film et dans mon texte : la drogue et l'éloignement qu'elle entraîne et ce poisson aux couleurs foudroyantes qui attirent, qui appellent, qui rappellent...Et le rouge, pour certaines valeurs karmiques, c'est la sexualité, base de l'humain. Le rouge, couleur de phobies...<br /> Si tu pars dans ta tête, tes délires, tes stress, un bon coup de rouge, ça te ramène toujours un peu de chaleur intérieur...
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