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Zone d'expérimentation
5 janvier 2010

Je peux te taxer ? 1/2, par Gwen

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J’appuie de toutes mes forces sur les pédales. Purée ! Il est déjà 18h20, nous avions rendez-vous à 18h00. Une fois de plus, je suis en retard. La pluie m’oblige à plisser des yeux. Encore quelques mètres et je pose mon vélo contre un lampadaire. Je ne prends pas la peine de l’attacher, personne ne viendra me le voler. Challans dort déjà. En novembre,  pas un chat ne traine dans les rues dans ce patelin de Vendée avec ce temps, à cette heure-ci. J’entre dans la salle de réunion.
«
- Bon sang, Max, tu n’arriveras donc jamais à l’heure ? » m’accueille Jyssé.
La
pièce est froide et vide. Ça sent le moisi et le manque d’aération. Ça sent le vieux. Les murs blanchis à la chaux sont couverts de salpêtre.
«
- Ma mère voulait que je lui ramène du pain. » Je me justifie et je déteste ça. Je salue de la tête Green et Popaul attablés autour d’une massive table en chêne recouverte d’une toile cirée au motif champêtre. Ils ont chacun une kro ouverte devant eux. Il n’y a pas de cacahuètes.
-
Maintenant que Max est arrivé, est-ce que tout le monde est là ? Nous n’attendons plus personne ?
Silence
. Au plafond, un néon bourdonne. Sa lumière refroidit encore l’atmosphère. Je garde mon blouson et je m’assois face à l’unique décoration de la pièce. Sur le mur est punaisée une reproduction d’un tableau biblique.
- Camarades !... » Jyssé, toujours debout accompagne sa parole en levant le poing gauche.
-
Excuse-moi de te couper la parole mais tu ne peux pas commencer notre réunion en nous appelant  « camarades ». C’est trop connoté.
- Ah ?
- B
en oui Jyssé ! Nous nous réunissons ce soir pour créer un mouvement anarchiste. Nous n’allons pas commencer nos réunions par « camarades » !
-
D’accord, j’accepte la motion !  Je reprends : Mes frères…
- Là Jyssé, tu déconnes ! Nous sommes des anarchistes ! Nous allons nous battre contre l’emprise de la religion sur le peuple crédule et naïf !
- Ni Dieu, ni maître !
» crie Green.
- Ouais, c’est ça, ni Dieu, ni maître ! dit Popaul
- D’accord, alors je les commence comment, nos réunions?
- Je ne sais pas ! Sois créatif !
- C’est bien toi, ça, Max ! D’abord, tu me reprends mais tu n’as aucune proposition à faire…
- Commence comme tu veux, je ne sais pas : Libre citoyen ? Amis libertaires ? Communards ? Amis anar’ ?
- Amis, amies ?
propose Popaul
- Ah oui moi j’aime bien « amies amis » ! Ça fait américain ! Jusqu’où irons nous, amies amis ? Yes ! à Miami ! réplique Green
- Arrête de déconner ou je fais voter directement ton éviction du mouvement ! Trêve de plaisanterie, on commence. Je vais faire l’appel.

- Mais pourquoi tu veux faire l’appel, nous ne sommes que quatre ? dis-je
- Il faut compter nos voix, pour ensuite mesurer l’évolution de notre mouvement !
- Nous partîmes  quatre ; mais par un prompt renfort, Nous nous vîmes trois mille en arrivant au port …
- Merci Popaul pour la digression littéraire. D’ailleurs, je commence l’appel par toi, Popaul ?

- Présent.
- Max ?

- Ben oui je suis là, je suis juste en face de toi.
- Green ?
- Tu ne peux pas m’appeler Hervé pour une fois ?
- L’utilisation de pseudonyme est importante pour garantir l’anonymat de nos opérations.
- Je suis d’accord avec toi mais regarde : Toi, on t’appelle Jyssé parce que tu t’appelles Jean-Christophe. Ce n’est pas un pseudonyme mais un diminutif. Maxence, on l’appelle Max et Jean-Paul, tout le monde l’appelle tout le temps Popaul. Pour préserver l’anonymat de Popaul, il vaudrait même mieux l’appeler Jean-Paul, personne ne le reconnaitrait. Mais moi, j’en ai marre qu’on m’appelle Green. On me surnomme comme ça depuis la 5
ème, c’est bon je suis plus un gosse, moi, merde, j’ai 17 ans.
- Hervé ? Pourquoi on t’appelle tout le temps Green ?
- Tu ne sais pas ? - dis-je. En cinquième en cours d’Histoire, Hervé a éternué de manière très bruyante. Il s’est caché la tête sous la table et quand il s’est relevé, ses cheveux étaient tout verts. On était mort de rire. On l’appelle Green depuis ce jour.
- Ouais, c’est bon, on ne pourrait pas oublier un peu cette histoire ?
-
On me demande, je raconte, moi, c’est tout.
-
Si vous me le permettez, je voudrais revenir à l’ordre du jour. » Reprend Jyssé « D’abord, je voudrais remercier publiquement le Père Philippe qui nous prête gracieusement la salle à manger du Presbytère pour faire nos réunions.
- A bas les curetons !!!
- Max, avec une telle attitude nous n’avancerons jamais.
- Oui, mais nous, nous sommes des anarchistes ! On pisse à la raie de tous les religieux du monde !
- C’est bien vrai, ça ! disent en chœurs Popaul et Green.

- Brûlons l’Eglise !
- Max, Popaul et Green et si le Père Philippe ne nous prêtait pas le presbytère, où ferions-nous nos réunions ? Chez vous ?
- Ben moi, je veux bien qu’on les fasse chez moi, les réunions. » Dit Popaul.

- Oh non Popaul ! Tout le monde n’a pas une mobylette comme toi…
- Je m’excuse, Max, Ce n’est pas une mobylette, c’est un 51 Black !
- Au temps pour moi. Tout le monde ne roule pas en 51 Black ! Moi, je suis à vélo ! Et je ne vais pas me taper les quinze bornes pour aller faire des réunions à Soullans ! Surtout la nuit ! Je n’ai pas envie de me perdre dans ta cambrousse ou de me faire renverser par une vache !

- Et chez toi, Green ?
- Moi, je veux bien mais c’est ma mère qui ne veut pas !
- Moi pareil. Et toi Jyssé ?
- Nous en avons déjà parlé ! Ma mater ne veut pas que Max vienne à la maison. Elle dit qu’il a une mauvaise influence sur moi !

- Putain, elle est vraiment trop reloud ta matouze !
- Parle bien de ma mère, toi ! Elle est peut-être conne, mais c’est ma mère ! Lundi, quand nous avons parlé
de nous réunir, nous n’avons trouvé aucun lieu. C’est pourquoi, j’ai demandé au Père Philippe s’il voulait bien nous prêter le presbytère.
- Tu lui as dit que c’était pour une réunion d’anarchistes anonymes ?
- T’es con ! Bien sûr que non ! Je lui ai dit que nous voulions préparer un spectacle pour la messe de Noël !

- Et il t’a cru ?
- Forcément, j’ai été enfant de chœur jusqu’à mes quatorze ans. Alors merci beaucoup le Père Philippe pour le prêt de la salle à manger du presbytère…
- Moi, je voudrais vous prévenir tout de suite. » Dit Green « Si on fait partie du spectacle de la messe de minuit, je ne veux pas jouer l’âne.
- Mais pourquoi tu parles de ça !
» Dit Jyssé légèrement agacé « On n’est pas là pour faire une crèche. Nous sommes réunis pour monter un coup d’éclat anarchiste qui fera parler de notre mouvement dans toute la Vendée. Ou au moins jusqu’à l’Epoid ou à Sallertaine..
- Et même à Bouin ! Ouais, on va montrer à tous ces bouzeux la force de notre rébellion ! On va faire péter les culs-terreux !
- Attention, Maxence. Mon père est agriculteur. Je n’aimerai pas que tu l’insultes ! dit Popaul

(à suivre)

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Commentaires
D
Bien sûr qu'il y a du vécu dans tout cela. Et encore ce n'est qu'un petit bout de la lorgnette. Cela m'a beaucoup amusé de replonger dans l'ambiance (bien posée avec la pluie) de nos jeunes années même si je ne suis encore et toujours qu'un ado attardé à 40 piges et que je me surprends parfois à vouloir encore tout péter! j'ai lu une bd autobiographique fabuleuse sur les mouvements ouvriers vendéens dans le pays des mauges et effectivement c'est souvent dans les presbytères des J.O.C. que se sont constituées les contestations dans les sixties et seventies. Bien vu. David
G
Djimi ::: et je t'en remercie<br /> Fan ::: effectivement y'a du vecu la dedans
F
On s'y croirait, très chouette. c'est du vécu?
D
Gwen m'avait déjà fait lecture de ce texte (bien que j'étais pressé et que j'avais autre chose à faire que de subir ce caprice d'artiste que de devoir l'écouter coute que coute) et le texte m'avait beaucoup amusé, et m'a rendu patient de par sa finesse et sa simplicité liée à l'adolescence. Bien entendu, quand je parle de simplicité, cela n'a rien à voir avec les complexités de l'adolescence, la contradiction des personnages du texte en sont purement exemplaires.<br /> Le fyer est un excellent choix aussi.
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