Tout compris, par Lila LULLABY
<p><p>formule entrée plat dessert à 12 € 99* </p></p>
Elle est arrivée
bien avant l’heure du rendez-vous, avant Lui, pour prendre le
plaisir solitaire et secret de l’attendre, de guetter son arrivée
à l’entrée de ce café oublié au milieu
du bourg.
Il a essaimessé
pour dire qu’il serait en retard et elle a reçu la petite
musique du message comme une caresse entre les jambes.
Elle ne parvient pas à
ne pas entendre les discussions autour : au fond de la salle, deux
femmes en tablier, équeutent des haricots en commentant qu’ils
ont des fils, qu’ils sont restés trop longtemps sur pied
faute de mains pour les cueillir.
Elle retient du méli-mélo
de mots derrière elle qu’elle va le cueillir LUI.
Elle pense qu’elle
aurait pu être invitée ailleurs. Elle revoit un lieu
magique, dans sa mémoire bretonne de Nantes, place du théâtre.
André Breton et Jacques Prévert l’adoraient et y
tenaient table.
Jacques Demy a filmé
dans le reflet des miroirs dorés, l’espoir fou de Lola de
voir survenir l’être aimé.
Sans qu’elle l’ait
vraiment vu arriver, il est posté là, devant elle,
volant à sa bouche un rapide baiser comme s’il arrivait en
pays conquis.
Il lui dit des choses
simples et elle éprouve brutalement ce désir de
conquête où il se tient et qu’elle aime, malgré
elle.
Elle lui demande de venir
s’asseoir à sa droite. Il se plie à cette exigence,
ne demande rien et grignote de la main sous sa robe, son genou, sa
cuisse peu à peu, toujours plus haut. Elle se sent rougir à
cause de l’humidité qu’il ne va pas manquer de rencontrer
sous ses doigts qui se faufilent et en cherchent déjà
la source. Elle sent qu’ils fouillent presque sans bouger, qu’ils
la pénètrent inexorablement pour trouver la minuscule
entrée qui ondoie. Le contact la fait frissonner.
C’est imperceptible
tout ça. Dans leur dos, les femmes continuent d’équeuter
sans sourciller.
Elle ferme les yeux,
chuchote « non », qu’il arrête. Elle dit cela, à
cause du lieu incongru et il l’entend mais n’obéit pas. Il
cueille sa respiration suspendue au moindre déplacement de ses
doigts, en bas. Le plaisir est dans cette lenteur, dans le glissement
imprévisible et restreint de cette caresse et de son
insistance.
A les voir de dos, on
dirait qu’ils ne bougent plus et que l’image est arrêtée
à cette jouissance.
Dans son cou à
lui, il sent sa respiration à elle, haleter. A ses soupirs à
peine exprimés, il devine ses yeux fermés et il porte,
à leurs bouches rejointes, ses doigts acidulés.
Ce midi, ils auront des haricots pour le déjeuner.
Illustration : Anouk Aimée, "Lola" de La Cigale