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Zone d'expérimentation
6 novembre 2009

Safari de service 1/2, par d'autres

gift_for_jisuk___ferris_by_kisaru




I.


Les salopards ! Vingt-cinq ans ! Vingt-cinq ans de bons et loyaux services ! Et ils me limogent !
Refonte du service. Evolution de la société. Demande de Paris. Tu parles ! Je les dérange, oui ! Je ne rentre pas dans leur moule, oui ! Vingt-cinq ans que je reste fidèle à moi-même, intègre et indépendant, sans me glisser dans le costume étriqué de l’homme de la compagnie. Ils ne supportent pas ! Ca les dérange l’individualité. Ça les dérange les électrons libres. Ils voudraient que tout le monde soit au garde-à-vous, l’auriculaire sur la couture du pantalon, de bons petits soldats prêts à obéir sans un mot, prêts à se sacrifier sur un ordre. Certainement pas qu’un de leur cadre affiche ses opinions, analyse les ordres et leurs incohérences.
Et ils croient s’en tirer comme ça ! Salopards !

Ils disent « on vous donne le choix ». Ils s’excusent « nous ne souhaitons pas vous pénaliser ». Ils se justifient « nous suivons les consignes de la direction générale ». Tu parles !
Leur choix ? Le placard ou la porte. Ou je me contente d’un emploi subalterne, sans perspectives d’évolution à court terme, ou je prends le chèque et je pars sans un mot. L’oubli dans les deux cas. Enterré vivant ou fusillé. Il est beau leur choix.
Mais non, bien sûr, je ne suis pas pénalisé, ils ne le souhaitent pas. Je ne suis pas pénalisé si je choisis de conserver une place minable dans leur groupe de merde, à rêver aux jours fastes. Je ne suis pas pénalisé si je me retrouve, à mon âge, remis sur le marché saturé d’un travail de plus en plus exigeant. Et ils pensent que je vais gober ça, leurs sourires contrits et leurs regards fuyants depuis qu’ils m’ont fait part de leur « proposition » ? Salopards !
Tout juste bons à se réfugier derrière les consignes de la direction. Eux. Représentants de la direction ici. Tu parles qu’ils n’ont pas leur mot à dire ! Juste que la pilule leur paraît plus simple à faire passer quand on n’a pas le responsable sous les yeux.

Mais s’ils croient que je vais me laisser faire, ils se plantent ! Oooooh que oui, ils se plantent. Pas fait mes dix dans la Légion pour me laisser marcher sur les pieds, ha que non !
Mais je ne vais pas perdre mon temps à passer par les Prud’hommes, tu parles qu’ils se seront verrouillés de ce côté-là. Toutes les petites bêtises qu’on peut faire dans une vie de salarié, sûr qu’ils les ont mises de côté en attendant le jour de me dégager.
Simple, si je leur fous un procès au cul, ils vont tout ressortir à leur sauce. Mon business de vente de fournitures en ligne va devenir de l’abus de biens sociaux ; la fois où j’ai ajouté un zéro sur un chèque, par erreur, va devenir un détournement de fonds ; mes recherches sur la sexualité humaine vont devenir de la consultation pornographique. Ha je les connais ! Seraient même capable de m’accuser de voler la boîte parce que je pars à l’heure règlementaire, histoire d’avoir une vie sociale, pas comme les autres cadres qui passent leur vie au bureau.

Puis autant régler ça entre quatre z’yeux. Voir entre deux. Une balle.
Mais pas la première. Ha non, alors, il faut qu’ils sentent comme je suis contrarié ! Il faut qu’ils réalisent l’ampleur de la connerie ! Il faut qu’ils sachent que ça commence à peine.
Une au buffet, les neutraliser avant le grabuge, histoire d’être tranquilles peinards dans le bureau. Après je sors la gégène, un souvenir.
C’est bien la gégène. Facile à transporter, efficace, ça brise un homme en moins de deux. Autant dire que ces deux fiottes qui n’ont jamais quitté leur bureau ne vont pas faire long feu.
Après ça on pourra entamer la détente. Du découpage sur pièce de la bête. Des années que je n’ai pas ressenti le plaisir de fouailler les chairs vives au poignard. Faut juste que je fasse gaffe à pas me laisser aller, sinon ils ne tiendront pas la distance.
Ha ouais, ils vont douiller ces salopards ! C’est moi qui vous le dit.

J’ai jusqu’à lundi, qu’ils ont dit. Jusqu’à lundi pour faire mon choix. Plouf, plouf. Ça me laisse un peu de temps pour mettre de l’ordre dans mes affaires et sortir mon matériel.
Ha ils vont voir, ces salopards !!


II.

Quelle pute ! Mais quelle nom de Dieu de sale pute ! Oser me faire ça à moi ! Sa meilleure amie ! Soi-disant !
Combien de fois je l’ai ramassé alors qu’elle tenait plus debout ? Combien de mecs j’ai viré de chez elle parce qu’elle était trop défoncée ? Combien de chèques je lui ai fait pour payer ses factures, sans jamais en revoir la couleur ? Combien de temps j’ai passé avec elle à écumer les magasins en quête de sa robe de mariée ? Combien de soirs j’ai sacrifié pour garder sa gosse parce qu’elle avait besoin de se retrouver seule ? Combien de chemisiers elle m’a achevé à coups de larmes et de rimmel parce que la vie de famille l’étouffait ?
Et elle me fait ça à moi !

Elle a couru les mecs pendant des années avant de se calmer avec un mannequin sans cervelle. Promis juré, maintenant j’arrête, j’ai trouvé le bon. Ben tiens ! Deux ans plus tard et une môme sur le dos, elle ressortait ses jupes raz la touffe et ses talons de pétasse pour allumer tout le service.
Et c’est qu’elle les porte bien cette pute ! Je me fringue comme elle et on m’embarque pour racolage et atteinte aux bonnes mœurs. Elle, c’est juste sexy, comme toutes ces grognasses qui le valent bien sur les affiches. Pas un mec pour résister.
Du stagiaire au chef de service, ils ont tous cette étincelle égrillarde dans les yeux quand elle apparaît. Ils n’ont même pas besoin de la déshabiller du regard, ces obsédés lui sont tous passé dessus. Suffit qu’elle fasse sa moue, là, son truc avec les lèvres et le regard timide, et ils ne voient plus qu’elle.

Après elle s’étonne que les autres filles la haïssent. Comme si elles avaient le choix. Elles peuvent être jolies, elles peuvent être sexy, elles peuvent être séduisantes, elles se fondent dans l’orange amer des murs quand elle apparaît. Tu m’étonnes qu’elles ne puissent pas la sacquer cette pute !
On passe le plus clair de notre temps au travail. Autrement dit, passée la trentaine, ça reste le meilleur espoir pour se dégotter un gars pas trop vilain et pas trop con. Avec la possibilité de l’observer dans son environnement pour être sûr. Ça vaut ce que ça vaut, et les mecs s’habituent aux têtes avec qui ils travaillent. Assez pour ne pas se rendre compte quand ils se sont laissés séduire.
Mais avec elle c’est perdu d’avance. Le chef-comptable un peu mignon malgré ses airs martiaux, quand elle est là tu n’existes plus. Un battement de ses faux cils et tous tes sourires perdent de leur charme.

Cette pute ! Je ne lui demandais rien. Rien d’autre que de se comporter en amie.
Je lui ai dit qu’il me plaisait bien. Je lui ai dit que son air un peu sévère d’ancien militaire me laissait toute chose. Je lui ai dit que son petit cul ferme me donnait une furieuse envie d’y mettre la main. Je lui ai dit qu’il était mon espoir de ne pas virer vieille fille.
Et qu’elle me tienne la main ! Et qu’elle me serve son sourire complice ! Et qu’elle le juge idéal pour moi ! Et qu’elle me dise de foncer avant qu’on me le pique ! Saloperie de sale pute !

Au lieu de me consoler quand je me suis pris un râteau méprisant, elle se l’est fait. Sur la photocopieuse. Pendant que je vidais toutes les larmes de mon corps, toute seule comme la vieille fille que je vais devenir, cette pute se faisait tringler en beauté par mon ex-futur amour ! Sur la pho-to-co-pieuse !!
Et maintenant tout le monde est au courant de ma double humiliation. Tout le monde me regarde avec ce foutu regard éploré. Tout le monde pense que je suis une pauvre fille sans espoir. Les autres filles sont toutes tendres avec leur rivale de moins. Les hommes sont tout mielleux face à ma tronche bouffie. Et cette sale pute continue de pavaner comme si de rien n’était.
Il paraît même, c’est la secrétaire comptable qui me l’a glissé, il paraît même que cette pétasse voulait se le faire avant que je lui parle, et qu’elle a fait en sorte qu’il me jette. Ce serait bien son genre à cette pute !

Mais elle rigolera moins, lundi ! Ha oui, elle va moins faire sa maligne quand je montrerai à tout le monde qu’on ne me traite pas ainsi.
Je ne sais pas tirer, mais à bout portant, c’est bien le diable si je ne touche pas. Puis le père était tout fier de ce pistolet, capable, disait-il, d’arracher de la bidoche grosse comme le poing. Si ça suffit pas à lui déchiqueter le visage à cette poufiasse …


(à suivre)

Illustration : gift for jisuke, par ferris, sur Deviantart

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