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Zone d'expérimentation
24 octobre 2009

Semblables différences, par Totaür

maheu

Elle était la dernière, mais très vite je suis arrivée.

Elle était timide, j’étais théâtrale,

Elle lisait le monde, je l’inventais,

Elle était posée, j’étais pressée,

Elle était protectrice, j’étais protégée.

Très vite, je me suis mise à m’exprimer, d’abord en racontant aux gens le monde qui m’entourait comme s’ils le méconnaissaient. Moi, je le découvrais…

Puis, je lui ai demandé le monde, avec elle j’apprenais à le comprendre…

Alors j’ai écouté, j’ai répété.

Elle était appliquée, j’étais brouillon,

Elle était réfléchie, j’étais spontanée.

Elle me parlait avec des mots bien choisis qui dansaient dans des phrases tantôt douces, tantôt amères, mais toujours bien formulées.

J’utilisais un tas de mots dont je mangeais la moitié, enjouée je les faisais défiler dans d’interminables phrases ponctuées de « et ».

Elle était grande, j’étais petite,

Elle était introvertie, j’étais extravagante.

Elle écoutait beaucoup, elle écoutait les autres, les grands, je le savais, elle connaissait des grands mots qu’après elle m’expliquait …

Je parlais beaucoup, je l’écoutais, je répétais, je déformais, elle m’écoutait, me corrigeait, à ses côtés j’ai appris à parler…

Elle évitait les conflits, je provoquais les débats,

Elle était discrète, j’étais expansive.

Elle était attentive, on la disait calme…pourtant elle bouillonnait en dedans. Elle gardait son intelligence et taisait ses révoltes. Avec une voix fine et douce, elle cachait ses inquiétudes, en présentant un silence éloquent à qui voulait la faire parler…

J’étais réactive, on me disait excitée… pourtant je réfléchissais en dedans. Je taisais mon ignorance et criais mes révoltes. Avec une voix forte et joyeuse, je cachais mes peurs, en  présentant une comédie dramatique à qui voulait me faire taire…

Nous étions différentes,

Nous étions ensemble.

Peu importe, nous nous apprenions, nous nous racontions notre monde. Nous jouions entre-nous et nous nous disputions entre-temps. Dans les mêmes bras nous nous réconfortions, et pour s’endormir, les mêmes histoires nous écoutions.

Nous grandissions ensemble dans de semblables différences, nous apprenions à nous distinguer dans une même entité.

Nous sommes différentes

Nous nous ressemblons.

Nous savons vivre seules, nous savons vivre ensemble.

Nous connaissons nos forces et nos faiblesses. Elle me dit les conneries qu’elle fait pour que je conteste. Je lui raconte mes peurs pour qu’elle me rassure.

Quand l’une se confie, l’autre écoute,

Quand l’une est fragile, l’autre est forte,

Quand l’une est perdue, l’autre est présente.

Nous connaissons nos oppositions, nos tolérances et nos différences. Nous avons des intérêts communs mais nous avons chacune nos combats et nos joies, et nous partageons tout cela.

Elle est ma petite grande sœur. Je suis sa grande petite sœur.

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Commentaires
D
Qu'ajouter qui ne fasse doublon avec les commentaires précédents ?<br /> Ce texte est fort, ce texte est touchant, et sa construction ne le rend que plus plaisant à lire.<br /> <br /> Plus que tout, ce qui me réjouit est l'extrapolation de la notion d'oxymore, cherchant l'opposition dans les similitudes, par le jeu de phrases courtes, denses dans leur sens par le fait même.<br /> En ressort en définitive, au-delà du portrait de deux soeurs, celui d'une sororité, d'une paire.<br /> <br /> Ce qui d'ailleurs me fait sourire en y pensant. Il transparaît que l'on parle ici de gémellité ; il est courant de prétendre que les jumeaux s'attachent à se distinguer pour échapper à la confusion permanente avec un autre identique ; et finalement, ici, en appuyant sur les différences, en insistant sur les oppositions, c'est finalement l'impression d'une même médaille sous ses deux facettes, le jeu d'ombre et lumière joliment trouvé par Lila LULLABY, qui définit le couple plus que ses composantes.<br /> Maintenant je me plante peut-être dans mon histoire de jumelles ...<br /> <br /> Quoi qu'il en soit, un texte de grande qualité qu'il fut délicieux de découvrir, et, ici aussi, le plaisir de voir s'affirmer les qualités certaines d'une jolie plume.<br /> Du coup j'aurais envie de faire écho à Djimi en réclamant : "encore !".
G
J'ai toujours du mal à commenter les textes de Totaur, Sûrement parce que je suis un des témoins privilégié des différentes phases d'écriture.<br /> Et puis après les avoir entendu lu à haute voix, ce n'est pas facile de les lire et beaucoup moins savoureux à mon sens. Je dois être plus auditif que visuel.<br /> Ce texte est vraiment autobiographique et c'est sa force !<br /> Certyaine formule sont très jolies. Ma préférée à déjà été relevé par Lila lullaby : « Nous jouions entre-nous et nous nous disputions entre-temps ».<br /> Un excellent texte<br /> J'aimerai bien avoir un commentaire de Totaur sur son texte et surtout savoir si la petite grande soeur la lu et ce qu'elle en a dit, si ce n'est pas trop personnelle
D
Sororal ? Tiens, voici un nouveau mot à ajouter à mon vocabulaire limité...<br /> J'ai, moi même un frère d'un an d'écart du mien, et j'y lis aussi mon vécu et la même expérience frérale (?) fraternelle...
L
Toutes leurs différences sont très bien éclairées. Elles opposent et rapprochent en même temps les deux soeurs. Chacune se révèle dans le contre-jour de l'Autre et ce jeu d'ombre et de lumière tout au long du texte, dessine leur attachement.<br /> "Nous jouions entre-nous et nous nous disputions entre-temps." : excellente définition, selon mon expérience, du lien sororal.
D
J'aime bien, c'est mignon.<br /> Il y a comme un parallèle qui s'entrecroise un peu comme deux serpents qui glissent autour d'un pilier, et qui sont toujours l'un près de l'autre sans que les têtes ne se croisent jamais. La photo me montre cela aussi.<br /> Un peu comme une communication instinctive que possèdent des jumelés, qui se connaissent trop bien pour communiquer concrètement.<br /> Un autre texte Totaür, vite s'il te plait !
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