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Zone d'expérimentation
14 septembre 2009

Génération de l'anomie 1/6, par d'autres

flash_ball_2




Anomie : état de désorganisation, de déstructuration d’un groupe, d’une société, dû à la disparition partielle ou totale des normes et des valeurs communes à ses membres.



1.Innocente culpabilité



Loulou ne faisait que passer.
Il est kanak, fier de son pays, fier de sa culture, et comme tant d’autres, il aspire à ce que son peuple reprenne les rênes de son avenir et de sa terre. Mais le grand-père a été clair. Il y a eu les Evènements, qui ont permis aux kanaks de se faire entendre, il y a eu du sang et de la souffrance. L’heure est maintenant à la construction politique dans la perspective de l’autodétermination. Et pour ça il faut des cadres, il faut des leaders, il faut des gars qui savent gérer des dossiers et parler d’égal à égal avec les blancs. Loulou il pense bien et il pense vite, sa place est dans les salles de cours, à étudier, pour partir en Métropole et devenir ingénieur. A ce moment il pourra revenir, et son savoir aura du poids et une influence sur le futur du peuple kanak.
Quand le Syndicat a lancé sa grève générale, il est resté soigneusement à l’écart, parce que le motif de la grève, la prolongation du contrat d’une employée ayant violé le secret professionnel, ne lui semblait pas mériter son engagement. Puis quand le Syndicat s’en est pris au président de la Compagnie, kanak et Grand Chef de son état, il a été choqué de voir cet inqualifiable manque de respect, en violation manifeste de la Coutume. Malgré tout, il est encore resté à l’écart, n’a même pas participé aux manifestations de soutien.

Loulou ne faisait que passer.
Il rentrait tard du lycée, après quelques heures de devoir surveillé, un sujet de physique niveau concours. Il rentrait tard, et devait rejoindre des cousins à Montravel pour partir sur un mariage à Poindimié.
Nouméa était en ébullition, ça faisait trois jours que les actions du Syndicat avaient mené à un blocage systématique des axes de circulation et à une confrontation toute aussi systématique avec les gendarmes mobiles. En passant devant le siège du Syndicat, à la Vallée du Tir, il a fait la sourde oreille quand les gars l’ont interpellé, le sommant d’abord de se joindre à eux, en tant que kanak, avant de l’insulter copieusement.
Les déflagrations ne l’ont pas non plus arrêté. Elles lui ont juste indiqué qu’il faudrait faire un détour par les brousses afin de pouvoir atteindre la cité sans se prendre les fumigènes. Alors il a continué, se demandant qui affrontait les forces de l’ordre à cette heure.

Et puis il y a eu les crissements de pneus dans son dos, les portières qui claquent, les injonctions de ne pas bouger, agressives, menaçantes.
Effrayé, Loulou n’a pas réfléchi. Il s’est mis à courir droit devant.
La première balle du flashball l’a atteint à l’épaule, menaçant son équilibre, la seconde a frappé entre les reins, le propulsant à terre, face la première.
Avant d’avoir pu comprendre, deux policiers armurés étaient sur lui et le menottaient.

Loulou a été libéré dans l’heure qui suivait, quand un officier a bien voulu lui demander ce qu’il faisait là. Ses livres de cours ont joué en sa faveur, autant qu’un coup de fil au professeur qui surveillait le devoir.
Le lendemain, Loulou était à la Vallée du Tir, dès l’aube, malgré ses douloureuses contusions. Il a suivi avec les autres syndicalistes l’annonce de la signature du protocole d’accord. Et comme les autres syndicalistes, il s’est préparé à poursuivre les actions contre l’état colonial et son usage de la force.



Illustration : flash-ball-2, sur Le blog du colporteur

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Commentaires
D
Journaliste ? Ouch ! C'est un coup à faire hurler ma soeur pour dénigrement de sa profession ...<br /> Le contenu n'est jamais qu'une retranscription de plus ou moins longue date de données collectées de ci de là au fil du temps.<br /> Ceci étant, un ami observait que ces sujets n'étaient guère présents dans la fiction calédonienne. Peut-être est-ce là la véritable question.
L
Bravo pour cette lecture d'une actualité récente : un vrai travail de journaliste. C'est absolument passionnant. J'attends que le texte entier soit donné pour m'en régaler davantage: j'aime attendre quand le plaisir est avenir.
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